J.O. 149 du 29 juin 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis rendu par le Conseil d'Etat sur des questions de droit posées par un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel (1)


NOR : CETX0609398V



Le Conseil d'Etat (section du contentieux, 9e et 10e sous-sections réunies),

Sur le rapport de la 9e sous-section de la section du contentieux,

Vu, enregistré le 16 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 15 novembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Lyon, avant de statuer sur la demande de la SA Cedillac tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 1 524 806,62 euros augmentée des intérêts au taux légal en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi, durant les années 1993 à 2002, du fait de l'application des dispositions de l'article 271 A du code général des impôts issues du II de l'article 2 de la loi de finances rectificative pour 1993 du 22 juin 1993, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question de la compatibilité du dispositif institué par ledit article 271 A du code général des impôts avec les dispositions des articles 17 et 18 de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes en date du 17 mai 1977 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388 /CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative,

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Daniel Fabre, conseiller d'Etat ;

- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la SA Cedillac ;

- les conclusions de M. Laurent Vallée, commissaire du Gouvernement,

Rend l'avis suivant :

Les dispositions du II de l'article 2 de la loi de finances rectificative pour 1993 du 22 juin 1993, reprises sous l'article 271 A du code général des impôts, ont eu pour objet d'étaler sur plusieurs années la réalisation du transfert de trésorerie, au détriment du budget de l'Etat et à l'avantage des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, corrélatif à l'abandon, opéré par les dispositions du I du même article 2 de ladite loi, de la règle du « décalage d'un mois » jusqu'alors maintenue en vigueur, pour la déduction des taxes ayant grevé les biens ne constituant pas des immobilisations et les services, au titre des dérogations autorisées, par l'article 28, § 3 d, de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes, en faveur de la règle de « déduction immédiate » fixée par l'article 18, § 2, de cette même directive. Le procédé retenu à cette fin a consisté à convertir en créance sur le Trésor, donnant lieu à des remboursements fractionnés dont les derniers sont effectivement intervenus en 2002 et rémunérée par des intérêts dont le taux a été fixé à 4,5 % pour l'année 1993, à 1 % pour l'année 1994 et à 0,1 % pour chacune des années suivantes, un montant de droits à déduction, dit « de référence », égal à la moyenne mensuelle des droits acquis au cours des mois d'août 1992 à juillet 1993, et que les assujettis ont dû soustraire du montant de la taxe déductible, exceptionnellement accrue de celle d'un mois, mentionné sur leur première déclaration comportant application du principe de « déduction immédiate ».

La valeur d'un « mois moyen » de taxe sur la valeur ajoutée grevant les biens autres que les immobilisations et les services acquis par les assujettis pour les besoins de leurs activités a, de la sorte, été soustraite, pour être soumise à des modalités de restitution particulières, au processus normal, conforme aux dispositions des articles 17 et 18 de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes, d'imputation de la taxe déductible sur la taxe due et, le cas échéant, de remboursement, dans un bref délai, de l'excédent de taxe déductible. Il a, toutefois, été recouru à cette mesure d'exception à seule fin de permettre, dans des conditions supportables pour le budget de l'Etat, la transposition en droit interne d'une règle fixée par la directive, alors même que celle-ci autorisait encore le maintien en vigueur de dispositions nationales dérogatoires. Eu égard à cet objectif, le dispositif institué par l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 est susceptible de s'apparenter aux dispositions nationales qui, bien qu'étrangères à celles de la directive, ne sont pas tenues pour incompatibles avec cette dernière, dès lors qu'elles sont associées à la réalisation d'un rapprochement de la norme communautaire en ce qui concerne l'application de l'un des principes du régime de la taxe sur la valeur ajoutée.

La question de savoir si, dans ces conditions, ce dispositif est, au regard du droit communautaire de la taxe sur la valeur ajoutée, en tout ou partie de ses éléments, admissible ou non présente ainsi une difficulté de nature à justifier qu'elle soit soumise, à titre préjudiciel, à la Cour de justice des Communautés européennes.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Lyon, à la SA Cedillac et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.


(1) Avis no 288163 du 14 juin 2006.